France : Renforcement des mesures de réduction des risques liés à l’exposition in utero aux antiépileptiques

L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) publie l’avis du comité d’experts (CSST) sur le renforcement des mesures de réduction des risques liés à l’exposition aux antiépileptiques au cours de la grossesse

Considérant le rapport de l’ANSM, les auditions des parties prenantes et le retour d’expérience sur le valproate, le CSST formule les recommandations détaillées ci-dessous afin de renforcer les mesures de réduction des risques malformatifs et neuro-développementaux suite à l’exposition in utero aux antiépileptiques autres que le valproate. Ces recommandations ont été établies après analyse des médicaments antiépileptiques selon les groupes de risque définis dans le rapport de l’ANSM.

En préambule, le CSST souligne la nécessité d’avoir une réflexion, lors de la prescription d’un traitement antiépileptique chez une jeune femme de plus de 10 ans, sur la possibilité qu’elle ait un jour un projet de grossesse et d’intégrer le choix de l’antiépileptique dans cette perspective.

1. Mise en place d’un carnet de suivi pour les patientes atteintes d’épilepsie à partir de l’âge de 10 ans

Le CSST recommande de mettre en place un carnet de suivi pour toutes les patientes atteintes d’épilepsie à partir de l’âge de 10 ans.

Ce carnet sera notamment destiné :

  • à informer systématiquement les patientes de la façon la plus claire possible sur les niveaux de risques malformatifs et neuro-développementaux des différents antiépileptiques. Il comportera également des informations scientifiques utiles pour les professionnels de santé ;
  • à documenter le suivi de la patiente (consultations, notamment pré-conceptionnelles, traitements, calendrier des crises, contraception, résultats d’examens…).
2. Mise en place de mesures spécifiques aux antiépileptiques à risque malformatif augmenté avéré

Pour les antiépileptiques dont l’augmentation du risque malformatif est avérée (carbamazépine, (fos)phénytoïne, topiramate, phénobarbital et primidone) sans relation dose-effet établie à ce jour et qui présentent par ailleurs un risque non exclu de troubles neuro-développementaux, le CSST recommande, chez les patientes atteintes d’épilepsie à partir de l’âge de 10 ans :

  • de mettre en place une consultation annuelle obligatoire par un spécialiste de l’épilepsie (neurologue, neuro-pédiatre ou pédiatre), afin de s’assurer régulièrement que le recours à ces médicaments est toujours nécessaire ;
  • de renforcer l’information des patientes sur ces risques au travers d’un document d’information signé par la patiente (ou son représentant légal) et le spécialiste de l’épilepsie ;
  • de conditionner la délivrance de ces médicaments à la mention sur l’ordonnance de la date de signature de ce document d’information.

Pour les médicaments antiépileptiques qui peuvent être prescrits dans d’autres indications (carbamazépine, phénytoïne, topiramate), cette mention devra également apparaitre sur l’ordonnance et conditionnera la délivrance.

Le CSST recommande par ailleurs de prévoir des dispositions permettant :

  • la délivrance de la quantité minimale de traitement antiépileptique si l’ordonnance ne mentionne pas la signature du document d’information, afin de ne pas exposer les patientes aux risques liés à une interruption de traitement ;
  • de s’affranchir de la signature du document d’information par les patientes lorsqu’il existe des raisons indiquant qu’il n’y a aucun risque de grossesse. Seul le médecin signe alors ce document en précisant les raisons pour lesquelles la patiente ne le signe pas et mentionne sur l’ordonnance « document d’information non requis ».
3. Concernant les antiépileptiques à risque malformatif potentiel ou pour lesquels la fréquence globale de malformation ne semble pas augmentée

Pour ces médicaments, en l’état actuel des connaissances, le CSST recommande :

  • d’avoir recours au carnet patient préconisé ;
  • que l’avis d’un spécialiste de l’épilepsie soit recherché pour tout projet de grossesse chez une patiente épileptique traitée par plusieurs médicaments antiépileptiques (polythérapie),
4. Adaptation des pictogrammes sur les boites

Les pictogrammes concernant la grossesse figurant sur les boites d’antiépileptiques devront être adaptés et harmonisés au niveau de risque détaillé dans le rapport de l’ANSM.

5. Mise en place d’un registre national de surveillance des grossesses sous antiépileptiques

Ce registre a pour objectif de surveiller les effets tératogènes et foetotoxiques des médicaments antiépileptiques. Dans cette perspective, il devra intégrer a minima les mêmes données que celles du registre européen EURAP auquel il devra être lié. Il devra par ailleurs permettre également de colliger des informations sur le suivi, à plus long terme, des enfants exposés in utero aux anti-épileptiques afin de poursuivre les investigations notamment sur les troubles neurodéveloppementaux.
Les sociétés savantes devront pouvoir accéder à ces données

6. Poursuite du suivi renforcé de l’ANSM

L’ANSM devra mettre à jour régulièrement son rapport ainsi que l’information sur ces risques et adapter, si nécessaire, les mesures de réduction des risques selon l’évolution des connaissances.

La mise en place de ces mesures devra être accompagnée d’actions de communication afin d’informer les patientes et les professionnels de santé sur les risques des médicaments antiépileptiques pendant la grossesse mais également sur l’importance d’une épilepsie bien équilibrée.

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